Atelier d'écriture à l'université : "Recherche + action"

Jean-Marc écrit avec pertinence (je souligne) :

 Sur le rapport entre la recherche sur les ateliers d’écriture et la création littéraire, il me semble que la recherche sur les ateliers d’écriture relève des « studies » plus que de la recherche disciplinaire. Elle en a la dimension sociale, militante, sort, comme les studies, d’une réalité de terrain que certains chercheurs ont prise en charge ; comme souvent dans les studies, le champ de recherche n’est pas structuré à la façon d’un champ disciplinaire. La particularité est qu’en l’absence d’une culture des studies en France, on a fait des studies en ateliers d’écriture, sans le savoir.

 Il me semble pouvoir trouver dans l'analyse de Jean-Marc concernant l'absence d'une culture des studies, lesquelles sont militantes et constituées d'allers-retours avec le « monde réel » ou « extérieur », une trace de la question de l'engagement du chercheur, sur laquelle se penchent régulièrement des penseurs divers.

 Proposer des ateliers d'écriture dans l'Université française et théoriser ces ateliers relève à mon sens d'une démarche de recherche-action-création, et donc d'un engagement :

– « recherche + action » parce que tout frais sorti de sa recherche, on est amené à proposer non seulement des modifications des contenus des enseignements (en mettant un nouvel auteur au cursus par exemple) mais également le mode de transmission – il me semble qu'un consensus s'est fait depuis longtemps sur le fait que l'écriture ne s'enseigne pas, mais qu'on peut la transmettre ; en transmettre bien sûr le goût, conjointement à celui de la lecture, et de là peut-être la « discipline » d'écriture (fréquente), de relecture et d'analyse de son travail pour lui-même et en regard de celui d'autres écrivains, et de réécriture ;

– « recherche + création » : en faisant la navette entre son travail de recherche (sur un auteur précis, un genre etc.) et son propre travail d'écriture, on crée de nouvelles consignes / invitations à l'écriture, lesquelles vont à leur tour permettre la création de textes par les participants – je conçois pour ma part l'animation comme un art participatif où l'« objet » artistique créé est constitué du couple appel (la consigne) – réponse (par le participant).

Autre aspect enfin de ce volet « recherche-création » : si l'on admet que le modèle d'écriture des articles de critique littéraire (entendue au sens très large) reste principalement la dissertation, elle-même issue de la rhétorique, on se posera la question de savoir si ce modèle ne doit pas, au moins pour les chercheurs-animateurs, évoluer. Dit plus directement : que fait l'animation d'ateliers d'écriture artistique à l'écriture de recherche ? Quand on écrit autre chose que des articles académiques, qu'il s'agisse d'écrits de fiction, de poésie, de théâtre etc., mais également d'invitations à l'écriture – à quand une stylistique de la consigne, d'ailleurs ? – peut-on continuer à produire des écrits académiques sur le modèle de la « dissert. » (introduction + développement en trois parties + conclusion, pour faire vite) ?

 Aussi, j'abonderai dans le sens de Jean-Marc en ce qui concerne la dimension militante de notre approche :

1) elle permet de désacraliser l'écriture en mettant en lumière son aspect de processus, et non uniquement de produit fini devant lequel, c'est du moins l'impression que j'ai conservée de mes cours de littérature en tant qu'apprenante, se prosterner ;

2) elle nous amène à proposer aux étudiants d'autres formes de transmission, et c'est peut-être effectivement une réponse au déclin des études de lettres ;

3) pour finir, elle nous invite peut-être à sortir de nos formes canoniques de transmission entre pairs qu'est la communication scientifique, pour en chercher de nouvelles.

Tout cela se fait déjà chez les chercheurs des studies qui estiment qu'une approche nouvelle (des sujets autrefois délaissés et d'autres modes de traitement de ces sujets, comme une re-problématisation du couple sujet/objet par exemple) requiert des écritures nouvelles. Vivement que là aussi, on leur emboîte le pas.