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Atelier de recherche en création littéraire
26 janvier 2015

L'écriture littéraire/créative comme déploiement du potentiel plein de la littérature : Natalia Hristova

Natalia Hristova, Université de Sofia, Bulgarie 

 

Comme nous le savons, la mise en place à l’université et à l'école française del'écriture littéraire/créative dans sa forme moderne (qui diffère des exercices scolaires d'imitation des modèles classiques répandus jusqu’à la fin du 19e siècle et de l'écriture libre de Freinet) apparaît et se développe comme un projet démocratique, critique et émancipateur. Lancée à partir des événements de mai 68, l'écriture littéraire/créative vise à surmonter la domination du discours métalittéraire, du commentaire et de la dissertation dans l'enseignement littéraire en défiant les préjugés hérités sur la créativité, considérée comme un privilège du génie, du créateur exceptionnel, et d'assurer de la sorte à tous les élèves un accès à la pratique de l'écriture. La démythologisation et la désacralisation de l'activité de l'écrivain trouvent un appui dans la vision poststructuraliste de l'écriture comme une réécriture et une transformation de l'héritage littéraire. C'est la raison pour laquelle l'écriture littéraire/créative se développe surtout comme une expérience intertextuelle, comme une pratique de lecture-écriture, comme une activité intratextuelle de réécriture du propre texte de l'écrivant. Elle compte également sur l'activation du pouvoir critique et subversif de la littérature à l'égard de l'ordre idéologique dominant. Ce pouvoir est considéré comme une condition de l'avènement de la singularité, de la hétérogénéité et de la différence du sujet écrivant. L'avènement du sujet écrivant, du sujet-scripteur, la construction de l’identité est l'autre enjeu éducatif le plus important de l'enseignement moderne de l'écriture littéraire/créative.

 

Sous cette optique, l'écriture littéraire/créative peut être conçue comme une pratique visant à déployer le plein potentiel de la littérature, considérée comme une institution -  comme « une institution historique possédant ses propres conventions, ses règles, etc., mais aussi comme une institution de la fiction qui possède par principe le pouvoir de tout dire, d'abroger, de supprimer les règles et donc d'établir, d'inventer et même de soupçonner la distinction traditionnelle que l'on fait entre nature et institution, nature et droit habituel, nature et histoire » (Derrida J., This Strange Institution Called Literature: an Interview with Jacques Derrida. Acts of  Literature. Ed. Derek Attridge. London: Routledge, p. 33-75, 1992.). Car l'écriture littéraire/créative, fondée sur l'intertextualité, sur lecture-écriture permet précisément de s'approprier l'ensemble institutionnalisé de structures, de règles et de conventions historiquement constituées et garantit de la sorte l'intégration à la culture, à la tradition, à l'ordre symbolique. Et dans la mesure où la littérature est un lieu institutionnalisé où il est en principe possible de contester l'ensemble de l'institution, l'écriture littéraire/créative ouvre également un espace à l'invention, à la singularité, à l'idiome et en même temps retient la dynamique, la contamination, la double contrainte de la singularité et de la répétitivité, de l'idiome et de l'institution, du singulier et du général.

 

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Commentaires
M
" la littérature est un lieu institutionnalisé où il est en principe possible de contester l'ensemble de l'institution" : c'est bien la même tension qui habite l'Université, censée transmettre des savoirs dans l'enseignement, mais également en créer de nouveaux par la recherche.<br /> <br /> Or, les nouveaux savoirs émergents remettent parfois en question les savoirs déjà établis, et selon les périodes, l'Université a plus ou moins de mal à équilibrer ses deux missions - conserver l'existant et faciliter l'émergence du nouveau.<br /> <br /> Si les départements universitaires de Lettres (francophones comme des autres langues-cultures) ne se dotent pas d'un espace de création du "nouveau", elles ne remplissent que la moitié de leur mission.<br /> <br /> Les universités anglophones semblent mieux parvenir à maintenir l'équilibre : une partie de l'avant-garde artistique non seulement s'y crée, mais également s'y montre au public, qu'il s'agisse de publications d'écrits artistiques, de pièces de théâtre, de performances etc. <br /> <br /> (Je signale d'ailleurs que certains chercheurs mettent en scène leur recherche : par exemple, ils performent leurs communications scientifiques au lieu de simplement les lire, parce qu'ils estiment que lorsqu'on lit sa communication ex cathedra et qu'on la performe, il y a une différence dans le lien à son public et à son écrit. Une différence d'arrière-plan philosophique, idéologique, pour le moins...)<br /> <br /> Dans les universités françaises, il semble qu'à de rares exceptions près, l'on a coupé les "études littéraires" de leur dimension artistique, contrairement à ce qui se fait dans les études théâtrales et cinématographiques. Certains départements d'histoire se sont rebaptisés "départements de sciences historiques. Faudrait-il rebaptiser les départements de Lettres en "Départements d'Études et Pratiques d'Écritures Artistiques" ?
Atelier de recherche en création littéraire
  • Blog de l'atelier de recherche en création littéraire de l'UFR ALLSH de l'université d'Aix-Marseille. Son but est de permettre les échanges entre les participants en amont de le rencontre des 5 et 6 février 2015 et de les poursuivre ensuite.
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