"une distinction quasi ontologique à faire entre les études théoriques et les études en création littéraire", Corine Robet
Les trois appellatifs proposés par Jean-Marc Quaranta (d'atelier d'écriture ? d'écriture créative ? de création littéraire ?) et le texte de Marie-Laure, notamment le paragraphe « recherche + action » où elle définit l'animation « comme un art participatif où l'« objet » artistique créé est constitué du couple appel (la consigne) – réponse (par le participant) » me renvoient aux travaux d’Alain Beaulieu de l’université de Laval. Nos collègues québécois, dans le refus d’un cloisonnement des champs de la littérature et de la création, mettent en avant la partie mystérieuse des textes, l’acte d’écrire devenant « un outil d’appréhension original, même pour l’étudiant chercheur qui se penche sur les textes déterminants de la littérature » (Etudes littéraires, « Les voix intérieures » Automne 2008). Ainsi l’université anglo-saxonne reconnait-elle la figure de « l’étudiant créateur », au même titre que celui de « professeur créateur ».
Ne faudrait-il pas se pencher sur deux retombées efficientes de l’atelier d’écriture (d'écriture créative ? de création littéraire ?)
- en amont : comment écrit-on une proposition (consigne, starter, invitation etc.) d’écriture ? est-elle une création à part entière ? relève-t-elle des mêmes processus créatifs, stylistiques qu’un texte littéraire ? a-t-elle maille à partir avec le mystère de toute création ? ou n’est-elle, pour simplifier, qu’une sorte de « recette de cuisine » ou un écrit académique comme un autre ? En d’autres termes un professeur qui écrit a-t-il un rapport autre à sa pédagogie, à la façon dont il rédige par exemple les appréciations sur une copie ? dont il pense ses approches et ses rapports aux étudiants ? Cela rejoint la remarque de Marie-Laure : « que fait l'animation d'ateliers d'écriture artistique à l'écriture de recherche ? Quand on écrit autre chose que des articles académiques, qu'il s'agisse d'écrits de fiction, de poésie, de théâtre etc., mais également d'invitations à l'écriture – à quand une stylistique de la consigne ? »
- En aval : pourrait-on mesurer la progression scripturale et lectorale d’un étudiant créateur ? Pour le dire autrement, un étudiant qui écrit en atelier, qui développe un imaginaire, un style propre, devient-il plus performant dans l’écriture de ses dissertations ? est-il plus apte à lire, commenter et disserter sur les auteurs mis à son programme parce que lui-même a vécu le long processus de la création : « l’intuition qui dirige la découverte des personnages, ou le sens du poème ou de l’essai –ce qui est impossible à imaginer sans en avoir fait l’expérience- et l’intelligence, qui participe à donner une forme au texte » (Alain Beaulieu)
Alors que dans des études théoriques la perception intellectuelle est première, le créateur « appuie son travail sur l’intuition. Il y a donc une distinction quasi ontologique à faire entre les études théoriques et les études en création littéraire ». Dès lors faut-il opposer, dans la recherche en création littéraire, la théorisation et la pratique, l’action et la recherche ? Ou tenter de les concevoir comme complémentaires, mais en concevant le travail de l’enseignant-animateur comme un travail d’écriture et de performance artistique ?