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Atelier de recherche en création littéraire
3 février 2015

Vincent Message, présentation

Présentation – Atelier de recherche en création littéraire

Vincent Message

 

J’enseigne la création littéraire depuis le lancement du master à Paris 8 Saint-Denis en septembre 2013. J’y suis maître de conférences en Littérature générale et comparée. Pour avoir fait mon doctorat dans cette université les années précédentes, j’ai aussi participé à la réflexion qui a précédé la création du master.

 

1. Réflexion préalable

Cette réflexion s’est structurée notamment autour d’une journée d’études en juin 2012 sur le livre passionnant de Mark McGurl, The Program Era, qui raconte l’influence du développement du creative writing sur la littérature et le champ littéraire étatsunien. Étaient invités à discuter autour des propositions de McGurl et avec lui des responsables des formations en création littéraire de l’Institut littéraire suisse de la Haute école des arts de Berne (Marie Caffari), de l’Université de Norwich (Andrew Cowan) et du Deutsches Literaturinstitut Leipzig (Joseph Haslinger).

J’ai ensuite été passer une semaine à Leipzig pour observer le fonctionnement du Deutsches Literaturinstitut et réaliser un certain nombre d’entretiens. À l’inverse, ce sont bientôt des collègues de Berne qui viendront observer le fonctionnement de notre master.

 

2. Nos étudiants

Le master de Paris 8 peut accueillir vingt étudiants par année, une quarantaine donc au total. Ces deux dernières années, nous avons reçu cent-cinquante candidatures environ et nous avons donc été amenés à mettre en place une sélection en deux temps : sur dossier écrit d’abord (les étudiants nous envoient une présentation du projet de création qu’ils souhaitent mener à bien sur deux ans, et un extrait de quelques pages de ce projet ou d’un autre texte récent qu’ils ont écrit), puis à l’oral (où nous menons une discussion très libre avec eux, destinée aussi à ce qu’ils sachent bien dans quoi ils s’engagent, qu’ils connaissent les principes de la formation et soient notamment bien disposés à l’idée de recevoir des retours critiques collectifs sur leurs textes).

Ces étudiants ont tous déjà une pratique de l’écriture littéraire en français. Leurs profils sont extrêmement variables. La fourchette d’âges va de 22 à 41 ans. Beaucoup ont déjà un emploi ou du moins un travail étudiant et aménagent leur emploi du temps pour suivre les cours. Quelques-uns sont étrangers (Bulgarie, Biélorussie, Etats-Unis) mais ont fait tout ou partie de leurs études en France. Certains ont une formation littéraire préalable, d’autres une culture littéraire beaucoup plus autodidacte.

Toutes les formes d’écriture sont les bienvenues dans le master. La moitié environ de nos étudiants pratiquent la prose narrative (roman ou nouvelles). L’autre moitié le théâtre, la poésie, des formes hybrides ou des formes performées. La seule restriction que nous avons posée pour l’instant concerne l’écriture de scénario, car elle est enseignée dans beaucoup d’autres établissements d’enseignement supérieur et notamment à l’Université Paris Ouest Nanterre, avec laquelle nous sommes partenaires et désormais engagés dans la COMUE « Université Paris Lumières ».

 

3. Les différents volets de la formation

1) Des cours théoriques (esthétique, stylistique, génétique, sociologie du champ littéraire, cours sur la traduction) souvent mutualisés avec le master Littérature/s. J’ai donné un cours dans cette catégorie, sur les renouvellements du réalisme contemporain (Franzen, Ernaux, Jauffret).

2) Des ateliers qui leur permettent d’expérimenter de nouvelles formes d’écriture : certains courent sur tout un semestre, d’autres sont intensifs et ont souvent lieu hors les murs, chez une de nos institutions partenaires (Théâtre Gérard Philippe, Bibliothèque nationale de France).

3) Le suivi de projet, cours central de la formation, où est discuté tout au long des deux années l’avancement de leur projet de création principal. J’ai la charge cette année d’un des demi-groupes de M1 (de dix personnes, donc).

4) Des rencontres littéraires avec des éditeurs, des critiques, des libraires, des traducteurs, des écrivains, des dramaturges. Cela part d’une volonté de construire des passerelles entre le monde littéraire et le monde universitaire, qui se fréquentent souvent, se recoupent dans la sphère privée sans que cela ait une traduction nette pour les étudiants dans leur cursus. En l’occurrence, il s’agit de dessiner avec eux une cartographie des tendances esthétiques de la littérature contemporaine, mais aussi du milieu éditorial (afin qu’ils aient une idée plus précise des espaces de publication qui pourraient convenir à leurs textes) et des métiers du livre plus généralement, pour qu’ils réfléchissent à la réponse singulière qu’ils voudront donner à la question du double métier. J’ai mis en place des rencontres de ce type depuis 2011 à Paris 8 et ai reçu depuis une vingtaine d’invités. Ces rencontres font l’objet de comptes-rendus disponibles en ligne.

5) Enfin un stage à faire dans le domaine des arts et de la culture et un atelier-mobilité à prendre dans une autre formation.

 

Les étudiants ont par ailleurs chacun un enseignant-référent (l’équivalent de ce que serait un « directeur de recherche », mais pour des raisons compréhensibles les mots de directeur ou directrice de création nous gênaient et nous nous sommes rabattus sur ce terme moins affirmé, qui n’empêche pas au quotidien un flottement terminologique).

 

La validation des cours se fait sur des principes variables. Dans le suivi de projet, chaque étudiant doit être lecteur (et parfois « lecteur principal », plus impliqué dans une analyse de détail) des textes des autres, et c’est donc l’implication dans le collectif qui est évaluée. Les séminaires théoriques et les ateliers peuvent être validés par des essais ou par des fictions littéraires brèves. Certains travaux font l’objet de publications collectives (livret suite à l’atelier effectué à la BNF).

Lors de la soutenance de M1, nous demandons à nos étudiants de présenter un début abouti de leur projet de création, d’une ampleur suffisante pour que nous puissions juger qu’ils sont engagés sur une voie prometteuse. En M2, le projet doit être fini. Il est tout à fait possible que ce ne soit pas le cas, en juin, des projets de grande ampleur (romans longs…) – auquel cas il nous faudra réfléchir à la forme que peut prendre l’évaluation.

Dans tous les cas, nous insistons beaucoup plus sur les commentaires de lecture que sur les notes.

 

4. Ancrage institutionnel

Le master a pu se lancer car l’Université Paris 8 Saint-Denis fait depuis longtemps une place importante à des enseignants qui sont aussi des écrivains (de fiction ou de théorie). L’équipe pédagogique est ainsi pour l’essentiel formée de personnes qui enseignaient déjà là-bas depuis longtemps : Olivia Rosenthal (publiée chez Verticales) et Lionel Ruffel (essayiste et éditeur chez Verdier) qui sont co-responsables de la formation. Christine Montalbetti (publiée chez POL), Diego Vecchio (qui enseigne au Département d’études hispaniques, traduit de l’espagnol, écrit en espagnol et est publié en France à l’Arbre Vengeur), Dieter Hornig (germaniste, traducteur du français vers l’allemand) et Sylvain Pattieu (historien, publié chez Plein Jour). Pour ma part, j’ai publié jusqu’à présent un roman (Les Veilleurs, 2009) et un essai tiré de ma thèse (Romanciers pluralistes), tous deux aux éditions du Seuil.

Le master a été soutenu d’emblée par la présidence de Paris 8. Il permet de faire fonds sur l’identité distinctive de l’Université, alors qu’elle est absente d’autres domaines de la formation en lettres, puisque nous n’avons pas par exemple de préparation au concours de l’agrégation, et que notre préparation au CAPES tourne avec un petit effectif (10 étudiants en moyenne) et est mutualisée avec Paris 13. La formation a aussi obtenu le label Idefi, ce qui permet de financer certaines initiatives (venue de professionnels ; atelier-mobilité au Rwanda dans le cadre d’un travail sur la mémoire des génocides).

Fin 2013, lors de la réduction du nombre de mentions de masters habilitées par le ministère, nous avons dû nous battre, avec d’autres acteurs que nous avions sollicités, pour que la mention « Création littéraire », toute jeune, ne soit pas victime de cette réforme. Nous avons obtenu gain de cause, ce qui nous a paru être un progrès institutionnel important.

 

Écriture et recherche

J’ai commencé à écrire de la fiction littéraire bien avant de m’engager dans la voie de la recherche. C’est en découvrant le plaisir que j’avais à enseigner et à faire de la recherche que je me suis rendu compte que ce serait aussi là une carrière un peu plus compatible que d’autres avec mon travail littéraire.

Mon premier roman, Les Veilleurs, a été publié alors que j’étais en début de thèse. Au cours de la thèse, je me suis concentré sur l’écriture de recherche, dans l’idée que je voulais faire de la thèse un livre, très vite, qui permette à la théorie du roman et à la réflexion sur la politique de la littérature que je proposais autour de la notion de pluralisme de circuler aussi dans le milieu littéraire et pas seulement dans le milieu académique. Au Seuil, c’est donc le même éditeur, Frédéric Mora, qui a eu ce texte en charge et qui l’a fait paraître dans la collection « Le Don des Langues ».

Depuis, j’alterne, selon aussi les propositions de collaboration qui me sont faites, entre rédaction d’articles de recherche, d’articles essayistiques plus libres et de fictions brèves. Je ne trace pas de ligne de démarcation nette entre recherche et écriture littéraire, puisque j’essaye de donner à certains articles de recherche une forme peut-être plus séduisante, moins attendue, que celle à laquelle le système institutionnel dans lequel nous sommes pris nous porte spontanément. La tonalité dépend aussi des lieux de publication : j’ai ainsi écrit un texte pour le volume Devenirs du roman II chez Inculte (2014) sur les « matériaux du roman » qui était peut-être l’un des plus académiques proposés. Et à l’inverse, une revue comme Esprit, plus proche de la recherche en sciences humaines, m’a proposé cet automne d’écrire une nouvelle pour un numéro sur les représentations du chômage. J’apprécie ces croisements et ces changements de rôle.

Dans tous les cas, la seule manière de mener de front recherche et littérature est de travailler sur des thèmes qui se recoupent. Je prépare en ce moment un deuxième roman qui parle du monde de l’entreprise et donne à voir certaines des évolutions du capitalisme néolibéral depuis 1980. Parce que la préparation de ce roman m’a fait passer par un grand nombre de lectures de littérature et de sciences humaines, j’en ai aussi fait depuis l’année dernière un champ de recherche et d’enseignement.

 

 

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Atelier de recherche en création littéraire
  • Blog de l'atelier de recherche en création littéraire de l'UFR ALLSH de l'université d'Aix-Marseille. Son but est de permettre les échanges entre les participants en amont de le rencontre des 5 et 6 février 2015 et de les poursuivre ensuite.
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