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Atelier de recherche en création littéraire
3 février 2015

Jean-Marc Quaranta, présetation (fleuve...)

Animer, enseigner, former

Animez-vous des ateliers d’écriture à l’université ? de quel type ? si non, quelle(s) forme(s) prend votre enseignement de création littéraire ?

J’ai encore animé cet année un atelier d’écriture (« écrire (avec) le moyen âge »), mais ce ne sera plus le cas l’an prochain où cet atelier sera ouvert aux étudiants spécialistes du parcours Création littéraire et cinématographique. Je n’anime pas véritablement d’atelier d’écriture, mais des ateliers de réécriture. Je commence le travail là où habituellement il s’achève dans l’atelier, quand on reprend les textes écrits.

Comment êtes-vous venu à ce type de pratique ?

Je suis venu à cette pratique par mon parcours de chercheur en génétique des textes qui m’a fait travailler sur le processus, donc la réécriture, et aussi par mon parcours d’enseignant du secondaire où j’ai utilisé des retours écrits, par projection vidéo, pour faire progresser les élèves à l’écrit. Les ateliers que j’ai menés avec François Heusbourg, poète et directeur des éditions Unes m’ont aussi appris à être attentif au suivi éditorial du manuscrit.

Cette pratique tient aussi au fait que j’interviens dans la licence création littéraire et cinématographique et que la demande des étudiants est d’améliorer leur capacité d’écriture. Il s’agit moins de les « faire écrire », ils le font bien tous seuls, mais de les faire réécrire pour qu’ils découvrent qu’un écrivain… ne fait pas qu’écrire mais qu’il lit, se documente, corrige, pense même.

Comment s’articulent votre pratique avec vos autres enseignements (littérature, langue, etc.) ?

Cette pratique s’articule avec mes enseignements de littérature d’une façon expérimentale. Dans l’idéal, je souhaiterais que mes cours de littérature découlent des besoins des étudiants en matière d’écriture : étudier Michon quand on est engagé dans une écriture des siens, ou Simon, ou Modiano ; étudier Simon, encore, quand on se pose des questions sur la structure, la restitution des sensations. Dans la pratique, j’ai proposé des consignes d’écriture à mes étudiants dans l’UE « lecture du récit » que j’ai sauvagement rebaptisée « Lecture-écriture du récit » autour du Vent, de Simon, avec pour objectif de voir ce qu’il serait possible de faire de leurs textes dans un cours de littérature et aussi comment l’écriture aide à lire ; je tenais aussi à ne pas me cantonner au pastiche. Pour le cours de 3e année de licence « Textes fondateurs », l’objectif sera de faire étudier le travail de l’écrivain et son parcours, Michon pour le parcours, Gide (Le journal des Faux-monnayeurs) et Proust (Contre-Sainte Beuve) pour la réflexivité sur l’écriture et pour le travail de réécriture et de gestation de l’œuvre, du projet.

A quel(s) niveau(x), dans quel(s) type(s) de diplôme intervenez-vous ? comment est-il sont-ils situés par rapport aux autres diplômes ? quelle place y tient l’enseignement que vous dispensez ?

J’interviens dans la licence de création littéraire et cinématographique et dans le DU formateur en atelier d’écriture. La licence est un parcours de la licence de lettres modernes, elle est à ma connaissance la seule en France à proposer de la création littéraire à ce niveau comme enseignement obligatoire et caractéristique du parcours. La création littéraire s’articule avec la littérature, la linguistique et l’écriture de scénario, avec mes collègues nous menons un travail interdisciplinaire. Le DU est un diplôme « historique » pour les ateliers d’écriture. Les ateliers de réécriture y ont trouvé leur place comme moyen de développer la qualité des retours et aussi de pratiquer une écriture longue accompagnée.

Quels sont les objectifs pédagogiques de la formation que vous dispensez ?

Les objectifs pédagogiques sont encore à définir, ils émergent des travaux de recherche (ce qu’on trouve chez les écrivains) et aussi de la pratique d’atelier de réécriture. Se dégagent des « passages obligés » de la création littéraire qui sont indispensables à maîtriser à la fin d’une licence. Cela donne aussi des perspectives de recherche pour le master, pour des colloques : travailler sur l’atelier d’écriture des premières œuvres (Naissance de L’Odyssée de Giono, Le Grand Meaulnes, Contre Sainte-Beuve), proposer une réflexion sur des moments de l’écriture (le recherche documentaire, le repérage des contraintes involontaire, la question du genre, du ton, du style…)

 

Quelle(s) forme(s) prend l’évaluation des pratiques d’écriture littéraire ou de création littéraire dans votre diplôme ?

Il y a une part d’évaluation collective avec les collègues qui encadrent les scénarios. Pour les séances de création littéraire et pour le DU, l’évaluation se fait à partir des objectifs du « travail de l’écrivain » : être capable faire avancer un projet d’écriture et de porter sur lui un regard réflexif, de comprendre qu’écrire… ce n’est pas qu’écrire.

Quels types d’écrits sont demandés aux étudiants ?

Essentiellement, je demande des écrits assez longs, ou plutôt portés dans la durée et accompagnés d’une partie analytique, réflexive qui est une préparation à la recherche en création littéraire. La consigne de départ importe peu. Celle que je préfère, prendre cinq mots à la volée et écrire un texte qui les contienne, on peut constater à quel point c’est le langage qui fait l’écriture, comme on a besoin de peu pour écrire… et comment on aime se compliquer cette tâche !

 

Faites-vous intervenir des écrivains ? Pour des interventions de quelles formes ? Quel est leur rôle dans le dispositif de formation ?

Je fais d’abord intervenir des écrivains morts, c’est moins couteux ! On peut surtout travailler sur leurs processus d’écriture, alors que les vivants n’ont, en général, pas trop de recul sur leur pratique et c’est leur droit et même leur devoir : ils créent, ils n’ont pas aussi à rendre compte de leur création. Ceux qui sont intervenus l’ont fait pour parler de leur métier, de leur vie matérielle : comment on vit de l’écriture ? Il me semble que pour travailler avec un écrivain, il faut déjà avoir une certaine personnalité d’auteur, pour pouvoir apprendre de lui et aussi résister à une certaine « manière de faire » qui s’impose de fait.

Écriture :

Quelle place – qualitative et quantitative – réservez-vous à votre écriture / vos écritures ?

Je suis là en tant que chercheur, j’évite donc de faire référence à mes écrits personnels, afin de ne pas me situer dans une relation de compagnonnage direct. J’ai cependant présenté mon travail d’écriture en cours sur la biographie d’Alfred Agostinelli (le modèle de l’Albertine de La Recherche) comme exemple de suivi de projet, de travail de création et de retour réflexif sur des pratiques.

Distinguez-vous votre écriture académique (livres, articles, compte-rendus etc. scientifiques) de vos autres formes d'écriture ? Pourquoi ? En quels termes ?

Je ne fais pas de distinction entre ce que j’ai pu écrire pour le théâtre et ce que j’écris dans mon activité de chercheur. Les problèmes d’écriture sont, au fond, très similaires : on a toujours affaire avec les mots, les phrases, la structure. Pour le livre sur Agostinelli la frontière entre les deux domaines est d’ailleurs au cœur du projet et de la réflexion qui l’accompagne puisque c’est un travail de génétique et aussi un récit biographique voire autobiographique.

Comment ces pratiques et formes d’écriture influent-elles sur les travaux et les formes d’écriture que vous proposez aux étudiants ? Sur les dispositifs d’évaluation ?

Cette pratique de l’écriture me confirme qu’écrire est un processus et que c’est la première chose à apprendre, que la seconde ce sont les grands moments de ce processus.

Recherche

Comment s’articulent vos activités de recherche et votre pratique d’enseignement, d’animation, de formation ?

Je suis un des rares chercheurs en génétique des textes à être entré à l’université, cette discipline s’enseigne difficilement et elle est surtout cantonnée au CNRS, à la recherche pure. J’ai dû décentrer ma pratique de chercheur vers un domaine qui est pour moi la création littéraire, avec trois côtés, la création littéraire dans le texte fini, telle qu’on l’étudie de façon assez traditionnelle en critique littéraire ; la création littéraire telle qu’on la voit dans les brouillons des écrivains ; la création littéraire comme objet de recherche pour l’enseignement en licence, master et doctorat : quelle recherche pour les étudiants en théorie et pratique de la littérature ? en master Création littéraire ?

Menez-vous une activité de recherche spécifique sur les ateliers d’écriture, la création littéraire, l’écriture créative ?

Même si mon poste ne comportait pas de partie recherche en ateliers d’écriture ou en création littéraire, il m’est apparu tout de suite évident, dès le passage devant le comité e sélection, que je devais investir ce champ de recherche. De là le projet de passer des brouillons d’écrivains à ‘atelier de réécriture. De là aussi l’intérêt pour l’épistémologie et la part des études culturelles en face des études littéraires et avec elles.

Si oui, comment s’articule la recherche dans ce domaine avec les autres champs de recherche que vous pratiquez ?

Cette recherche se nourrit de ma recherche sur les brouillons des écrivains. J’ai beaucoup travaillé sur Contre Sainte-Beuve et sur les premiers écrits de Proust, je m’appuie sur ce que j’ai observé pour dégager des problématiques de recherche : le ton, le style, les recherches, les plans, les projets, les mécanismes de repentir etc.

Je suis aussi un mémoire sur le manga et la littérature et un autre sur la littérature et les jeux vidéo, c’est un moyen de comprendre certaines attentes des étudiants et d’en faire des sujets de recherche et aussi un champ d’exploration de formes renouvelées du fait littéraire.

Existe-t-il un axe, un groupe de recherche spécifique dans votre (vos) labo(s) de rattachement ?

Si non, comment votre recherche s’articule-t-elle avec les axes officiels ?

Je suis rattaché, au sein du CIELAM, au groupe 19-21, je suis un chercheur en littérature française, il n’y pas (encore) d’axe création littéraire, mais mon rôle est de faire exister la recherche en création littéraire dans notre labo. Je n’ai pas encore apporté ma contribution à l’ITEM dans ce domaine, mais c’est mon intention !

Terminologie

Quelle terminologie utilisez-vous pour définir votre travail, vos champs de recherche, d’intervention en formation ?

Le poste sur lequel j’ai été élu était intitulé littérature 20e 21e siècle et « ateliers d’écriture ». L’emploi des guillemets, m’a fait songer qu’il y avait une difficulté à nommer la chose. Si pour le DU la formule se justifiait, ce n’était pas le cas pour la licence, j’ai donc rebaptisé mon poste littérature 20e 21e et création littéraire, encouragé dans ce sens par création de la mention de master Création littéraire en 2014.

L’atelier d’écriture est une pratique, une forme, un dispositif didactique ou pédagogique, ce n’est pas un champ de savoir, un champ disciplinaire, il est hyponyme ; création littéraire présente l’intérêt d’une polysémie (les trois côtés dont je parlais plus haut) et aussi d’une transition en pente douce de nos pratiques habituelles de la critique littéraire, qui est un discours sur la création littéraire vers l’étude (génétique) de ces processus et jusqu’à le recherche sur ce qui se passe quand nous créons (la poïetique de Valéry). Création littéraire a aussi l’avantage d’être hyperonyme, l’atelier d’écriture en est une partie, une pratique etc.

La formule écriture créative me semble marquée par l’opposition avec une écriture qui ne le serait pas, l’écriture académique, en cela elle est marquée par le rapport aux institutions et aux pratiques pédagogiques. C’est historiquement et épistémologiquement vrai, mais cela tend à s’effacer, au moins dans le secondaire. Par ailleurs, même une dissertation comporte une part de création, même si elle est très contrainte dans sa forme (ce qui serait plutôt un indice de créativité) un article me semble aussi relever de la création. Cette notion est utile pour distinguer les travaux d’écriture, les types de production : dans un doctorat en théorie et pratique de la création littéraire on a un écrit académique et un écrit créatif.

Donc mon lexique personnel, je situe la création littéraire comme terme englobant définissant un champ dans lequel on trouve des ateliers (d’écriture, de réécriture, etc.) et où l’on pratique l’écriture créative, ce qui n’exclut pas d’autres formes plus institutionnelles d’écriture.

Institution

Quels sont vos rapports avec les différents niveaux institutionnels (département, labo, UFR, université, ministère etc., pour les diplômes et pour la recherche ?

Aix est un peu la Mère des batailles des ateliers d’écriture à l’université grâce au travail fondateur, visionnaire et militant d’Anne Roche. Je suis donc arrivé dans un environnement très favorable avec un diplôme existant et un autre récemment créé.

Les choses ont été plus compliquées pour la recherche, il a fallu montrer que ce n’était pas que de la pédagogie mais aussi un authentique champ de recherche. J’ai trouvé des collègues très attentifs et réactifs à ces demandes, cet atelier en est la preuve

Quelle est la reconnaissance de ces activités par les institutions ?

Il y a une très bonne reconnaissance au niveau du département, du pôle, de l’UFR, il reste à faire aussi reconnaître cela au niveau d’AMU. Jean-Raymond Fanlo qui dirige la première thèse du doctorat théorie et pratique de la création littéraire s’y emploie avec succès !

Perspectives, avenir

Quelles manifestations prévues pourraient être un prolongement de cet atelier de recherche ?

Le colloque Giono organisé par le CIELAM où il devrait être question de l’atelier d’écriture de Giono autour de Naissance de L’Odyssée, avec les retours écrits de son ami Lucien Jacques.

Le projet de réponse à l’appel à projets coopération transatlantique sur l’écriture numérique dont nous parlerons avec Marc-André Brouillette (UQAM).

La venue de Natalia Hristova (de Sofia) dans le cadre d’un projet IMéRA, s’il est retenu cette année.

Le colloque en projet sur « L’extension du domaine des lettres » qui traitera des formes nouvelles de littérature sera aussi une occasion d’interroger le rapport différent que la création litétraire établit avec le fait littéraire

Le colloque de Cergy à l’automne prochain sur les modalités d’évaluation, les types d’écrits est sans doute la prolongation la plus importante.

Quelles manifestations à mettre en place pourraient prolonger cet atelier ?

Il serait bon de refaire un questionnaire sur les pratiques de création littéraire à l’université, pour voir l’évolution depuis 2010 et aussi pour s’interroger sur l’avenir, les besoins en matière de recherche.

Un projet ANR sur la création littéraire qui intéresserait plusieurs universités me semble indispensable pour des questions de visibilité et de légitimité de notre champ disciplinaire.

Je rêve aussi d’un grand colloque qui réunirait également des collègues travaillant sur l’ergonomie de la création et sur la neuro physiologie de la création, je compte y travailler avec de collègues d’AMU qui n’ont pu être parmi nous.

Attentes, axes ou groupes qui vous intéressent

Quelles sont vos attentes en participant à cet atelier ?

Je cherche à préciser ma cartographie mentale de ce champ de recherche qui se métamorphose en passant des ateliers d’écriture à la création littéraire. C’est un moment d’évolution extrêmement important qui s’accompagne de la création de diplômes, de l’invention de formes d’évaluation et de sujets voire d’objets de recherche.

Cette construction d’un champ de savoir se fait également à un moment de bascule pour les études de lettres dont on peut espérer que ces formes nouvelles pourront aider à enrayer le déclin et aussi à comprendre les mutations.

Quels groupes parmi ceux proposés vous intéressent particulièrement ?

L’axe 3 (ateliers plurilingues) est celui que j’attends de découvrir car je n’en connais rien et cela m’intéresse. Par ordre de priorité, l’axe 2 intéresse directement ma réflexion sur la génétique et la création littéraire, l’axe 1 est englobant et concerne l’approche épistémologique, la structuration du champ de recherche lui-même, l’axe 4 est indispensable pour se projeter dans les cinq prochaines années avec une visibilité collective sur nos activités de recherche, il y a un travail de prospective et de planification à mener.

 

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Commentaires
A
Quelques attentes sur la question terminologique : "création littéraire" oblige à poser la question de la délimitation du littéraire. Dans une optique institutionnelle, est-ce que l'écrit documentaire, l'essai historique, la très actuelle "médecine narrative" font partie de tels cursus ? "Ecriture créative" a l'avantage de mettre en avant la pratique et de supposer un carrefour disciplinaire sans exclusive... <br /> <br /> à discuter, bien sûr. <br /> <br /> AMarie
Atelier de recherche en création littéraire
  • Blog de l'atelier de recherche en création littéraire de l'UFR ALLSH de l'université d'Aix-Marseille. Son but est de permettre les échanges entre les participants en amont de le rencontre des 5 et 6 février 2015 et de les poursuivre ensuite.
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