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Atelier de recherche en création littéraire
3 février 2015

Marie-Laure Schultze, présentation

Présentation

 

Animation, enseignement, transmission et formation[1] :

 

1.1 Animez-vous des ateliers d’écriture à l’Université ? De quel type ?

            Depuis 2007 et selon les années, de la L1 au M2, des ateliers d'écriture bilingue anglais-français, plurilingue (toutes les langues dont l'étudiant.e dispose à des degrés divers de « maîtrise » dans son répertoire langagier) et de traduction créatrice – travailler la traduction autrement que sur le modèle traduction-concours (schématiquement : les étudiants traduisent chez eux, sont interrogés en cours, notent les propositions retenues), parce que se former à la traduction littéraire, c'est aussi se former à l'écriture autre que l'écriture normée des dissertations, commentaires composés, synthèses de documents etc.

            Je suis également en train de mettre en place des ateliers à destination de chercheurs, afin de faire travailler leur « imagination » pour mettre à jour, éventuellement, de nouvelles hypothèses de recherche – principe de la pensée divergente notamment.

            J'emploie le terme d'ateliers pour distinguer ces lieux d'expérience et de transmission des CM, TD et TP. On pourrait néanmoins s'entendre pour parler d'atelier de 1 à 12 participants, de fabrique jusqu'à 30, de manufacture jusqu'à 30, et d'usine au-delà, je l'ai dit sur ce blog http://atelierrecherche.canalblog.com/archives/2015/01/26/31412026.html.

 

1.2 En animez-vous également ailleurs qu'à l'Université ?

Pas cette année (2014-15).

 

1.3 Si vous n'animez pas : quelle(s) forme(s) prend votre enseignement de création littéraire ?

Sans objet.

 

1.4 Comment êtes-vous venu(e) à ce type de pratique ?

            Au terme d'une longue maturation souterraine, je suppose...

            J'écris de manière « non académique » depuis 1996 et, devenant de moins en moins souple avec l'âge, j'ai trouvé le grand écart entre recherche universitaire et recherche artistique de plus en plus douloureux, jusqu'à la quasi-déchirure (dépression et writer's block quand il s'agit de produire un article « conventionnel » en études littéraires) ;

            consciemment, suite à la grève du CPE (2006), moment de revendications multiples qui réveilla chez certains d'entre nous l'envie d'améliorer nos pratiques pédagogiques, envie étouffée par la course aux publications, le manque de temps afférent, le découragement face à la multiplication de tâches administratives confinant désormais à l'absurde... Le centre d'Aix ayant été longtemps bloqué par des barrages étudiants, en l'absence d'accès à nos bureaux et à nos salles de cours, j'ai pu avec d'autres collègues me remettre à pratiquer la réflexion par le dialogue et l'écriture, hors contraintes de temps et d'obligation de résultats – ce qui s'appelle proprement réfléchir et chercher, de fait ; le reste s'appelle produire (on pourra reprendre la différence établie par Barthes entre écriture et écrivance).

 

1.5 Comment s’articule votre pratique avec vos autres enseignements (méthodologie, histoire de la littérature, enseignements de « langue » etc.) ?

Je n'enseigne plus la méthodologie des textes littéraires.

Il m'arrive encore d'enseigner la traduction littéraire de préparation aux concours. La traduction littéraire est un travail d'écrivain, les « ponts » sont donc faciles à faire.

 

1.6 A quel(s) niveau(x), dans quel(s) type(s) de diplôme intervenez-vous ? Comment ce ou ces diplômes sont-ils situés par rapport aux autres formations de votre département et de votre UFR ?

L1 à M2 selon les années. Les ateliers sont des UE optionnelles ou obligatoires, parfois des ½ UE, à l'intérieur de la formation à « l'anglais » délivrée par mon Département d'Études du Monde Anglophone (DEMA)

 

1.7 Quels sont les objectifs pédagogiques de la formation que vous dispensez ?

            Schématiquement, les ateliers (fabriques / manufactures / usines) d'écriture artistique plurilingue ont pour objectif d'aider les étudiants à mieux « s'approprier » la langue anglaise, de s'en sentir locuteurs légitimes. Il faut comprendre cette différence fondamentale qui existe avec les ateliers en Lettres Modernes : mes étudiants écrivent dans une langue qu'ils sont en train d'apprendre.

            En L1, l'objectif est en partie d'aider les étudiants à appréhender, par la pratique concrète, les différents outils méthodologiques (points de vue, genres etc.).

            Pour chacune des années, l'objectif global est de donner aux étudiants l'opportunité d'explorer le hors-champ de l'écriture universitaire dont il semble qu'en France, notamment dans la dissertation, on s'attende à ce qu'elle prenne la forme d'un « style neutre ». On assimile souvent cette « neutralité » à de l'objectivité – soit, mais il faudrait s'entendre sur les termes : on le sait, un style « objectif » est éminemment construit, et idéologiquement marqué ; c'est bien un objet, mais certainement pas un « objet naturel ». Par ailleurs, l'anglophone en moi regimbe : neuter en anglais signifie « enlever les organes génitaux » (l'acception n'est utilisée en français qu'en entomologie mais « neutraliser » … fait froid dans le dos !).

 

1.8 Quelle(s) forme(s) prend l’évaluation des pratiques d’écriture littéraire ou de création littéraire dans votre diplôme ? Quels types d’écrits sont demandés aux étudiants ?

            Les UE étant en Contrôle Continu Intégral, et les étudiants entre 20 et 40 par groupe, j'essaie désormais de ne pas « évaluer » plus de trois écrits courts (barre haute = 700 mots), de prose ou de poésie, dont l'un écrit en classe.

            Cette année, en plus des trois « devoirs » notés, les étudiants ont écrit une dizaine de textes qu'ils rangeaient au fur et à mesure dans un porte-vue ; j'ai lu tous ces textes, ai fait de très brefs commentaires (en général d'encouragement + petites pistes d'écriture), ai mis des lettres (A+, A jusqu'à C) mais pas de notes.

            L'évaluation me semble demeurer un des aspects les plus problématiques de l'écriture artistique à l'Université.

 

1.9 Faites-vous intervenir des écrivains ? Pour des interventions de quelles formes ? Quel est leur rôle dans le dispositif de formation ?

Non, notamment pour des raisons financières, et parce que je n'ai pas encore trouvé, dans mes fabriques d'écriture plurilingue, la possibilité de mener avec les étudiants un travail d'une ampleur telle qu'ils retirent de l'intervention un bénéfice à la hauteur du coût pour mon département ou autre composante.

 

Écriture :

2.1 Quelle place – qualitative et quantitative – réservez-vous à votre écriture / vos écritures (précisez : dans votre enseignement ? dans votre recherche ? votre vie ? ) ?

« Est littérateur quiconque aime penser un clavier sous les doigts », aurait écrit Leiris s'il avait connu les ordinateurs[2]. Ma tête est pleine de bruits, il n'y a qu'en écrivant que j'arrive à peu près à décoller mes mains de mes oreilles et à sortir ma tête d'entre mes genoux pour analyser ce qui se passe ; je vois mal comment on peut vivre autrement que dans la perplexité. Au mieux. Très belle citation d'Agamben par Stéphane Nowak sur le blog : Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps. Merci Stéphane (http://atelierrecherche.canalblog.com/archives/2015/02/01/31447279.html) !

 

2.2 Distinguez-vous votre écriture académique (livres, articles, compte-rendus etc. scientifiques) de vos autres formes d'écriture ? Pourquoi ? En quels termes ?

            Actuellement en cours de préparation à l'HDR, je n'ai le temps que pour de l'écriture d'essai. L'exercice est difficile, voire douloureux, mais aussi bien ma libido sciendi que ma libido creandi jubilent, car j'y fait l'expérience d'une écriture « transgenre », à la fois artistique et universitaire – combien de temps faudra-t-il opérer toutes ces distinctions, d'ailleurs ?

            Depuis quelques années, je ne suis capable d'écrire des articles comme je le faisais « autrefois » qu'au prix d'une telle dépense d'énergie (psychique, d'auto-motivation...) que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

            Si, dans ma « province », j'avais reçu de l'écrivain d'autres clichés que celui du génie – homme, donc – solitaire et tourmenté – je ne serais peut-être pas devenue enseignante et chercheuse de profession. Peut-être que si, dans mon « milieu », m'était parvenu un modèle de mama bien en chair, une nichée sous les seins, posant ses cahiers sur la tête de ses rejetons pour écrire... Who knows? Ça n'a aujourd'hui plus d'importance. At long last.

 

2.3 Comment ces pratiques et formes d’écriture influent-elles sur les travaux et les formes d’écriture que vous proposez aux étudiants ? Sur les dispositifs d’évaluation ?

            Je ne fais pas encore pratiquer l'écriture « trans-genre » à mes étudiants.

            Ma réflexion n'est pas encore suffisamment aboutie pour que je réponde à cette question.

           

Recherche :

3.1 Comment s’articulent vos activités de recherche et vos pratiques d’enseignement, d’animation, de formation... ?

            Dans le surmenage chronique, mais plus dans la schizophrénie, comme du temps où d'une main je cherchais pour écrire sur les textes des autres, et de l'autre je cherchais en écrivant mes propres textes (j'ai « commencé à écrire » de manière soutenue en 1996 et ai soutenu ma thèse, au bout de 4 ans de recherche(s), en 1997).

            Je ne fais plus de distinction entre ces différents aspects – tout au plus s'agit-il de moments différents. La recherche permet des moments de réflexion à plusieurs corps et à un seul esprit – comme un seul homme, selon l'expression consacrée et, à effet de clarté, on pourrait peut-être adopter celle de comme une seule femme pour parler de la recherche collaborative. La recherche permet également des moments de réflexion à un seul corps et à plusieurs esprits – que l'on conçoive ça en termes de dialogisme, de plurivocité … mais certainement pas de conscience divisée : la recherche progresse par résolution d'in-cohérences (cohérence = absence de contradiction), ce qui n'empêche pas que les multiples points de vue / hypothèses aient lieu à l'intérieur d'une psyché qui se vit comme en cohésion (= union, solidarité étroite).

            Les quatre facettes de mon métier & ma profession – animer, chercher, écrire, enseigner – s'articulent également autour de deux projets :

* amener en atelier des chercheurs non animateurs à ré-animer leur recherche par l'exploration de ses hors-zones ;

* créer des textes-appels qui amènent des chercheurs-animateurs à explorer les impensés des différentes facettes (3 ou 4 pour les universitaires) de leur métier & profession. Pour cet Atelier, j'ai ainsi produit un Hétérautoportrait ; de manière plus globale, je parle de « fable professionnelle » : faire émerger des aspects peu visibles de sa pratique par l'exploration indirecte (conte & fable), de manière à éviter que ne se dressent les barrières automatiques du tabou / interdit / impensable professionnel.

 

3.2 Menez-vous une activité de recherche spécifique sur les ateliers d’écriture, la création littéraire, l’écriture créative ?

Oui (dieu soit loué, une réponse courte...)

 

3.3 Si oui, comment s’articule la recherche dans ce domaine avec les autres champs de recherche que vous pratiquez ?

Je ne pratique pas dans d'autre champ, j'ai assez à faire avec celui que j'ai ☺

 

3.4 Existe-t-il un axe, un groupe de recherche spécifique dans votre (vos) labo(s) de rattachement ?

J'ai la chance d'appartenir à un labo, le LERMA (Laboratoire d'Études et de Recherche sur le Monde Anglophone, EA 853) dont l'un des axes s'intitule : Linguistique, Traduction et Recherches Transversales (LTRT) !

 

3.5 Si non, comment votre recherche s’articule-t-elle avec les axes officiels ?

Sans objet.

 

Terminologie :

4.1 Quelle terminologie utilisez-vous pour définir votre travail, vos champs de recherche, d’intervention en formation etc. ?

 

4.1.1 Travail : je distingue métier – ce que je sais faire – de profession : pour qui je le fais, à qui je dois mon service ;

Selon l'interlocuteur, il me semblerait pertinent de parler d'AEC – animateur-enseignant-chercheur (mais l'Appellation d'Origine Contrôlée en sous-impression me pose question) ;

ou d'animateur-artiste – au cas où il faudrait rappeler que l'écriture littéraire est une pratique artistique (l'enseignement et la recherche aussi, d'ailleurs, de mon point de vue, si l'artiste est celui dont l'art est un ethos qui engage toute sa vie) ;

ou d'ACÉE (animateur-chercheur-écrivain-enseignant), quand on vous laisse … assez de temps pour parler ;

Je serais étonnée que l'on trouve que ça fait beaucoup : n'a-t-on pas coutume de dire des femmes qu'il faut qu'elles soient amantes-femmes-mères et travaillent (difficile à nominaliser, celui-là : une professionnelle n'évoque malheureusement pas la même chose qu'un professionnel...)

 

4.1.2 champ de recherche : didactique du plurilinguisme et épistémologie de la recherche.

4.1.3 intervention en formation : ateliers d'écriture artistique plurilingue à destination de publics universitaires, car ça n'inclut pas que les étudiants.

 

Institution :

5.1 Quels sont vos rapports avec les différents niveaux institutionnels (département, labo, UFR, université, ministère etc., pour les diplômes et pour la recherche ?)

Constat de difficulté à faire comprendre & accepter le caractère innovant d'une part, transdisciplinaire de l'autre, des ateliers universitaires d'écriture artistique plurilingue, lorsqu'il s'agit du financement de la recherche (CRCT par exemple), comme de la publication. Les deux termes innovation & transdisciplinarité apparaissent dans directives, formulaires, instructions officielles etc. mais tout cela reste des mots...

 

5.2 Quelle est la reconnaissance de ces activités par les institutions ?

Croissante : v. financement de cet Atelier, l'intégration d'ateliers dans le programme de colloques, l'invitation à des séminaires et journées d'études etc.

 

Perspectives, avenir :

6.1 Connaissez-vous des manifestations déjà prévues qui pourraient être un prolongement de cet Atelier de recherche ?

Un appel d'offres pour le programme Hubert Curien-Tassili transmis par Sabiha Benmansour de l'université de Tlemcen, Algérie ;

Un cfp sur « Écrire ses origines » à l'Université de Tozeur en novembre 2015.

6.2 Quelles manifestations seraient à mettre en place pour prolonger l'Atelier ?

Je pense que nous devrions créer une revue, avec comité de lecture international, qui publierait entre autres des textes de réflexion, des consignes / appels, des textes d'étudiants et de collègues...

 

Axes :

7.1 Quelles sont vos attentes en participant à cet atelier ?

En tant que co-porteuse du projet et organisatrice multi-tâches, que chaque participant.e soit stimulé.e.

En tant que participante, que nous nous fédérions pour faire avancer un chantier magnifique ouvert par d'intrépides pionnières...

 

7.2 Quels axes vous intéressent ?

Tous.

 

 



[1]     Lorsque nous avons établi ce questionnaire avec Jean-Marc, j'avais pour ma part rempli en 2009 le questionnaire établi par Violaine Houdart-Merot et Christine Mongenot, questionnaire qui a servi à l'enquête nationale publiée en 2013 chez H. Champion, in Pratiques d'écriture littéraire à l'université. Violaine et Christine nous avaient aimablement autorisé à le ré-utiliser. Pour finir, nous ne l'avons pas fait, mais je remercie ses auteures de l'avoir généreusement mis à notre disposition.

[2]     Citation très connue du début de l'Âge d'Homme : « est littérateur quiconque aime penser une plume à la main ».

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  • Blog de l'atelier de recherche en création littéraire de l'UFR ALLSH de l'université d'Aix-Marseille. Son but est de permettre les échanges entre les participants en amont de le rencontre des 5 et 6 février 2015 et de les poursuivre ensuite.
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